Ressources pédagogiques sur l'archéologie méditerranéenne
   

                          

Chasse au trésor ou pillage:
ce qu'il faut savoir !

Bien des objets sont passés du pillage à la collection, de la collection au musée… Cette époque est-elle révolue ?
Les collections d’antiquités ont existé bien avant la naissance de l’archéologie, et les riches romains collectionnaient déjà des oeuvres grecques. Mais c’est surtout à partir de la fin du XVIIIème siècle que naît la passion des antiquités. Elle s’amplifie au XIXème siècle avec la période du Romantisme, la campagne d’Egypte, les découvertes de Pompéï, la vogue des objets étrusques ou des statuettes de Tanagra… Une époque de collectionneurs passionnés, frénétiques, qui encouragent les habitants des cités anciennes qui creusent, fouillent avec acharnement pour s’assurer quelques revenus appréciables. Les nations européennes ne sont pas en reste, et c’est à qui s’arrogera les plus belles pièces.

Mais dans le même temps, des esprits scientifiques commencent à prendre conscience des connaissances historiques que peut apporter une fouille méthodique et réfléchie. On commence à comprendre que l’objet seul dit peu de chose une fois qu’il est extrait de son contexte, du lieu où il se trouve, de ce qui l’entoure. Les fondateurs de l’archéologie ont tôt fait de se désoler de ce que l’on nomme aujourd’hui le "pillage du patrimoine".
Au cours du XXème siècle, cette conscience a conduit les Etats à prendre, petit à petit, des mesures pour s’opposer à ce phénomène. Aussi est-il nécessaire de préciser ici quelques points sur les dispositions légales qu’un passionné d’archéologie doit aujourd’hui connaître.

Bien sûr, ces dispositions sont très variables selon les pays, et on ne peut affirmer que les "fouilles sauvages" ont cessé. Bien sûr, ces lois sont apparues à différentes époques, alors que des millions d’objets étaient déjà entre les mains de musées, de collectionneurs privés ou de négociants professionnels. Il n’empêche : partout dans le monde, la tendance est vers une réglementation stricte qui protège le travail scientifique des archéologues.

Ceci n’empêche pas les annonces périodiques de nouvelles découvertes archéologiques, et parfois la découverte de trésors par des particuliers, qui nous fait toujours rêver… Faut-il donc renoncer à la fascination de la "chasse au trésor" ?

Et bien, pas forcément : de nombreux objets se vendent et s’achètent de manière légale dans le monde (*), et comme tout collectionneur - ni plus, ni moins ! - l’amateur d’archéologie peut toujours se passionner (sans fouiller lui-même !) dans la recherche de l’objet de ses désirs... Et puis, il peut aussi se tourner vers l’archéologie scientifique, et y contribuer dans des cadres organisés.

(*) il s’agit généralement d’objets qui étaient déjà entre les mains de collectionneurs avant que les réglementations se mettent en place (on parlera d’ "objets provenant de collections anciennes"), parfois d’objets récemment découverts mais dont la commercialisation a été officiellement autorisée.
Quelques points de droit…
Les Trésors

La loi appelle "trésor" un objet trouvé (une chose "mobilière") dont le propriétaire n’est pas identifiable. Celui qui le découvre est appelé "l’inventeur" du trésor. Un objet dont le propriétaire (ou ses ayants droit, héritiers par exemple) est identifiable, appartient... à son propriétaire. Celui-ci-peut cependant rétribuer la personne qui l’aidera à retrouver ce qu’il a perdu. Dans le cas d’objets archéologiques, il serait bien étonnant qu’on puisse en identifier le propriétaire !
En numismatique, on appelle trésor une découverte comportant au moins deux monnaies qui étaient ensemble lorsqu'elles ont été mises au jour (quand il n'y a qu'une pièce, on l'appelle monnaie isolée).

La loi distingue la recherche volontaire et la découverte fortuite.

Découverte fortuite

Jusqu'en 2016, un trésor découvert fortuitement, au hasard de travaux par exemple, appartenait à part égale à celui qui le découvrait et au propriétaire du terrain (qui peut être l’Etat s’il s’agit d’une forêt domaniale, d’une plage etc.). Celui qui trouvait par hasard un trésor chez lui, en était donc intégralement propriétaire (article 716 du code civil). Si un ouvrier découvrait un trésor sur un chantier, il en était donc personnellement propriétaire pour moitié, dès lors que les travaux ayant amené la découverte n'avaient pas été effectués à cette fin.

Le découvreur (inventeur du trésor) a l’obligation de déclarer sa trouvaille à la Mairie du lieu de découverte. L’État pouvait réquisitionner le trésor pendant une durée maximale de cinq ans afin de l'étudier scientifiquement, sans en déposséder le propriétaire. Pour des pièces exceptionnelles qu’il souhaitait acquérir, l'État pouvait faire valoir son droit "de préemption": l’objet devait lui être cédé, mais seulement moyennant une juste rétribution, définie à l’amiable ou sur un avis d’expert (loi du 27 septembre 1941).

Tout ceci vient de changer : La loi n°2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de création, l'architecture et le patrimoine, dit que toute trouvaille faite dans un terrain acquis après la date de promulgation du texte, appartient de droit à l'Etat (article L541-4). Ceci risque fort d'être très néfaste, car bien des gens se garderont bien de déclarer leurs découvertes, et parfois même les détruiront pour éviter de retarder un chantier par exemple...

Recherche volontaire

La recherche d’un trésor ou d’objets archéologiques, même dans votre propre maison ou sur votre terrain, est soumise à une autorisation préalable à demander au Préfet de la Région concernée (loi du 27 septembre 1941). Il est remarquable qu’en France, cette autorisation n’est pas strictement réservée à des "professionnels": elle est accordée à des personnes physiques, qui peuvent être des bénévoles à condition que leurs compétences soient jugées significatives.

Faute de cette autorisation, la recherche est interdite. En particulier, l’usage sans autorisation de détecteurs de métaux à fin de retrouver des objets anciens est strictement interdit (loi 89-900 du 18 décembre 1989). Et une personne qui aurait cherché et trouvé un trésor sur un terrain sans l’autorisation du propriétaire, ne peut prétendre à aucune part.

Les biens découverts à l’occasion de fouilles conduites par l’Etat ou en son nom lui appartiennent pour moitié. Enfin, si vous engagez quelqu’un pour découvrir des biens, vous partagerez avec celui-ci les résultats à parts égales.

Préservation des sites

La destruction de restes archéologiques est évidemment interdite (loi N° 80-352 du 15 juillet 1980). Si un trésor est découvert à l’occasion de travaux, il faut cesser les travaux (pour ne pas détruire de traces utiles aux scientifiques) et prévenir la Mairie. De même, avant d’effectuer des travaux sur un terrain qui a de bonnes chances de contenir des restes archéologiques, il convient de saisir le service régional de l’archéologie.
Inversement, si l’Etat juge d’utilité publique que des fouilles soient entreprises sur un terrain privé, il peut l’occuper temporairement.

Enfin, un détenteur de vestiges mobiliers ou immobiliers peut être soumis à l’obligation de les maintenir en bon état (protection au titre des monuments historiques, loi du 31 décembre 1913).

Trésors sous-marins !

Avec l’avénement des scaphandres autonomes, les objets immergés couraient un risque de pillage inconnu jusqu’alors. La loi s’est penchée sur ce problème, et a connu différentes évolutions. Aujourd’hui, le fond des rivières reste soumis au même régime que les découvertes terrestres. En revanche, la notion de "bien culturel maritime" a été ajoutée pour ce qui est des fouilles sous-marine. La personne découvrant des objets sous-marins a interdiction d’y toucher, et doit les déclarer sous 48 heures. De plus, elle n’a droit à aucune propriété sur les trouvailles, tout au plus une "récompense"... (loi du 1er décembre 1989 et décret du 5 décembre 1991).

Fouilles programmées et fouilles préventives

Les autorités décident des fouilles dites "programmées", qui s’inscrivent dans des programmes pluri-annuels de recherche scientifique (campagnes de fouilles). Pour ces fouilles, l’État délivre des autorisations sur dossier.

Les fouilles dites "préventives" sont déclenchées à l’initiative des archéologues administrativement compétents, au vu de chantiers ayant d’autres buts que l’archéologie (construction, travaux publics...), afin d’éviter des destructions lors de travaux d’aménagement ou d’urbanisation.